21 août 2020

1940, la guerre totalitaire, par Henri de Wailly

Guernica, Pablo Picasso, avril 1937
Musée Reina Sofia, Madrid


En ce 80e de 1940, tout à la réédition de son " De Gaulle sous le casque ", Henri de Wailly, officier, historien connu par ses travaux d’histoire contemporaine, principalement autour de la Seconde Guerre mondiale, et Membre d'Honneur du Collectif France 40, nous fait l'honneur d'une précieuse contribution de plusieurs articles que nous allons publier tout au long de cet été : " un stock de mobilisation dans lequel on va piocher ce qui est nécessaire au moment voulu ".

Voici le quatrième article, il est consacré à 1940, la guerre totalitaire.

1940 ne fut pas seulement une guerre de soldats. Ce fut aussi, et peut-être d'abord, la guerre idéologique menée par un gouvernement nazi dépourvu de tout souci humanitaire, et dont le but final était l'écrasement d'un ennemi sous tous ses aspects, politique, militaire, civils. Il n’intervenait dans la stratégie allemande, aucune autre préoccupation. Le terrorisme d'une violence sans limite développée à l'encontre des pays qu'il fallait soumettre n'aura ainsi, on le sait, aucune limite. Seuls les gouvernements totalitaires auront été capables de pousser à un tel degré d'horreur le cynisme qui consiste à employer froidement des armes de guerre contre les foules désarmées.

Cette stratégie a été mise au point en Espagne en 1936 – Guernica −, pratiqué en Pologne en 1939 – Varsovie −, appliquée en Hollande en 1940 – Rotterdam −, avant d'être appliquée à France. Elle consiste à intégrer le massacre de populations dans le projet militaire : le premier objectif est d'obstruer l'accès des ponts et des grands carrefours routiers de manière à paralyser les mouvements de l'adversaire. Le second objectif est de jeter sur les routes des masses de réfugiés qui encombreront les itinéraires et, de la même façon, lui interdiront des réactions rapides. Le troisième objectif et psychologique : gagné par la panique, épouvantée par le spectacle des bombardements et des mitraillages, par les ravages des bombardements sur des villes historiques, les maires des agglomérations supplieront l'armée de ne pas résister pour épargner des vies et des œuvres d'art. On sait que ces trois objectifs seront effectivement atteints.

Ne reculons pas devant l'horreur pour en prendre conscience. Le 20 mai 1940, l'agglomération d'Abbeville et bourrée de réfugiés belges et français venus du Nord. Il n'y a ni gendarmerie, ni unité du Train pour organiser l'extraordinaire encombrement des routes qui mènent jusqu'au dernier pont encore ouvert vers le sud. Or, Abbeville, ce jour-là, recouvre une importance stratégique cruciale puisque le général Guderian, à la tête de la 2ème Panzerdivision approche de la ville au terme de son raid éclair de sept jours depuis Sedan jusqu'à la mer. La ville est vide de troupes, mais il est essentiel qu'aucune défense ne puisse s'y manifester. C'est donc, du matin jusqu'au soir, un écrasement incessant par des vagues de bombardiers d'une foule de civils terrifiés qui laisseront des milliers de cadavres pour la plupart carbonisés dans les caves, sur les places, dans les trains en attente, sur les routes d'accès d'où déboulent, venant du Nord, sur trois files de front des voitures chargées de femmes et d'enfants. Lorsque l'incendie qui s'étend gagne les voitures serrées les unes contre les autres, celles de la voie du centre ne peuvent pas ouvrir les portières et leurs occupants y meurent carbonisés.

Cette dimension de la guerre demeure ignorée des médias d'aujourd'hui qui ne font que se répéter, mais c'est une dimension de la guerre dont il faut bien se pénétrer car elle est entrée dans les mœurs. Les bombardements de Coventry, Londres, Berlin, Hambourg, Dresde, et combien d'autres villes l'ont largement démontré.

Ceux qui se souviennent relèvent aussi, pour ajouter au désarroi, que si l'on avait largement préparé la défense passive dans les villes, rien n'avait été prévu pour les itinéraires routiers. Un ordre, dont personne n'a pu encore aujourd'hui retrouver l'origine, avait ordonné aux brigades de gendarmerie de province de quitter leur implantation à l'approche de l'armée allemande pour rejoindre d'urgence le midi. C'est ainsi qu'à leur corps défendant, les gendarmes durent s'exécuter, laissant précisément les foules s'accumuler autour du pont et des carrefours où elles furent massacrées. On ignore le nombre de victimes et le chiffre de 10 000 me semble très inférieur à la réalité.

            Henri de Wailly
Juillet 2020

__________

De Gaulle sous le casque
Henri de Wailly
Abbeville 1940
Paru le 18 juin 2020


Le récit haletant d'une brève mais violente période de la vie du général de Gaulle qui, du 28 mai au 5 juin 1940, résista aux Allemands sur la Somme à la tête de cinq cents chars.

À partir du 28 mai 1940, la 4e division cuirassée du colonel de Gaulle participe à l'offensive d'Abbeville, sur la Somme, qu'elle mène jusqu'à l'épuisement. Le 5 juin, le général (à titre provisoire) de Gaulle devenait sous-secrétaire d'État à la Guerre et à la Défense nationale. C'est cette brève, mais violente période de sa vie qui est ici mise en lumière. Pour y parvenir, l'auteur a mené une enquête minutieuse en France et en Allemagne afin de regrouper les rares textes contemporains et de recueillir plusieurs centaines de témoignages, tant auprès de ceux qui servaient avec de Gaulle qu'auprès de l'ennemi. Vif, contrasté, rapide, surprenant, ce récit nous emporte des centres de décision au terrain, du PC même du Général à celui de son adversaire. L'image qui se dégage est celle d'un chef solitaire et énergique, mais aussi celle d'un homme sourd à tout conseil, jaloux de son autorité, plus attaché aux données stratégiques de la guerre qu'aux conditions imposées du combat.
Un ouvrage original, sans complaisance, dont les informations sont puisées aux meilleures sources.

Aucun commentaire: